Le Jardin Retrouvé...

 

 

 

L’été avait été étouffant et dès les premiers beaux jours, leur appartement s’était transformé en une fournaise irrespirable. Une épreuve pénible pour elle qui ne supportait pas du tout la chaleur. Lui ne s’en plaignait pas trop, mais il reconnaissait tout de même que 33°C tous les jours, au cinquième étage et sans balcon, cela devenait difficile à supporter pour lui aussi. Malgré la canicule, ils avaient voulu continuer, autant que possible, à s’occuper du « jardin ». Une petite parcelle de terrain qu’ils louaient à l’année, un peu à l’écart de la ville, devenue irrespirable. Après leur jolie maison à la campagne dont l’entretien était devenu trop fatigant, c’était toujours mieux que plus de jardin du tout. Et puis ça leur donnait un sujet de conversation, un but de sortie, une occupation au grand air. Alors, dès que la chaleur envahissait l’appartement, ils grimpaient dans la voiture et roulaient jusqu’au jardin, à l’air libre, certains d’y trouver toujours une petite brise agréable, même par grande chaleur. Elle ne s’en était pas rendue compte tout de suite, mais cet été surchauffé les avait bien fatigué tous les deux…

Octobre. L’automne est là. Les jours diminuent. On respire enfin dans cet appartement. Depuis quelques semaines, sa santé se dégrade. Des ulcères aux chevilles qui ne veulent pas guérir. Quelle barbe, il y aurait encore tant à faire au jardin. Son pas qui ralentit. Son visage qui se creuse. La valse lente des rendez-vous médicaux qui s’enchaînent, comme cadencés par le tempo d’un métronome invisible. Médecin traitant… angiologue… médecin traitant… cardiologue… médecin traitant… kiné… médecin traitant… infirmière… L’air de rien, le rythme de leurs journées s’est calé sur celui des rendez-vous. Il marche de moins en moins bien, et puis de moins en moins. Bientôt il ne marche presque plus. L’escalier en bas de l’immeuble s’est transformé en parcours de l’équilibre de Koh-Lanta. Il ne sort plus que par obligation. Conduire n’en parlons pas, il n’en est plus question. En tout cas pas pour le moment. Le temps que les ulcères guérissent, espèrent-ils. Ensuite ça ira mieux. On croise les doigts et tout ce qu’on peut pour conjurer le mauvais sort. En attendant des jours meilleurs, plus de jardin. Plus de mains dans la terre. Plus de fleurs. Plus de légumes. Plus d’air libre. Le moral est en berne, pour lui comme pour elle…

Décembre. À présent les nuits sont plus longues que les jours. Le soleil est parti en vacances. Il faut regarder l’horloge pour savoir quelle heure il est. Le ciel est lourd, les nuages pèsent des tonnes. Il pleut depuis des semaines. Le jardin doit être bien trempé, il faudrait le bêcher. Tout ce gris lui fout le cafard. Et ces chevilles qui ne veulent toujours pas guérir… Bientôt les fêtes, mais le cœur n’y est pas. Son sourire s’est fait la malle depuis longtemps et son moral est allé se planquer dans ses charentaises. Petit à petit, une profonde tristesse assombrit ses yeux. Voilà qu’il perd l’appétit. Elle ne sait plus quoi préparer pour lui faire plaisir, rien ne passe. Il ne descend plus chercher son journal dans la boîte aux lettres le matin, c’est elle qui lui apporte. Mais de toute façon, ça ne l’intéresse plus vraiment. Pourtant le chat guette toujours le moment où son maître va déplier les grandes pages sur la toile cirée, pour sauter sur la table d’un bond léger et se vautrer à travers le journal. C’est leur truc depuis des années. Mais il sent bien que ça ne va pas. Son maître a changé. Encore le médecin. Encore des examens. Allez hop, on passe à la vitesse supérieure. Quelques jours à l’hôpital, histoire de nettoyer tout ça, et puis il revient à la maison. Ça va un peu mieux. Une lueur d’espoir dans son regard. Ça va aller. Il faut que ça aille… Pour Noël ils sont invités dans la famille. Ce n’est pas si loin. C’est lui qui conduit. Retrouver un peu de liberté. Ne pas montrer qu’il est diminué. Prouver qu’il peut encore. Il est plutôt du genre taiseux, mais il a quand même sa fierté. Faut voir les petits éclairs d’orgueil qui brillent au fond de ses prunelles bleu d’azur, parfois. Faire bonne figure, encore un peu. Serrer les dents. Et les mains sur le volant. Il se dit qu’il a bien fait de changer de voiture cet été. L’embrayage automatique, c’est quand même bien pratique…

Janvier. Noël s’est bien passé, la route aussi. Quand ils sont rentrés il a remis la voiture au garage, sans se douter que c’était la dernière fois. Parce qu’en vrai, ça ne va pas aussi mieux que ça. L’année nouvelle, mauvaise fille, a déposé dans son soulier – ou plutôt sur sa cheville – un nouvel ulcère qui lui ronge la chair. De nouveau des allers-retours à l’hôpital. Et le ballet des infirmières, pour les soins quotidiens. Le sourire s’étiole, le moral renfile ses pantoufles. Son visage se creuse encore un peu plus. Son corps affaibli n’en finit plus de se perdre dans ses vêtements, devenus trop grands pour lui. Il ne dit toujours rien, mais il n’en pense pas moins. Pendant ce temps, elle est aux petits soins et lui consacre toute l’énergie dont elle dispose. Elle néglige la douleur qui s’installe dans son dos. Le nerf sciatique qui est coincé. Aïe. On verra ça plus tard. Un paracétamol, pour soulager. Un peu de pommade, quand elle y pense. La douleur ne passe pas, mais pas le temps de s’occuper de ça. Lui est devenu prioritaire. Ça va aller, dit-elle, en souriant de travers, ça va aller. Aïe. Ce n’est rien. De toute façon je n’ai pas le choix, il a besoin de moi. Il faut le laver, l’habiller, l’aider à manger. Pardonner les mots, parfois si durs, qu’il lui balance en pleine figure. Elle sait bien qu’il ne le fait pas exprès, elle sait bien. Alors comme lui, elle ne dit rien, et elle encaisse. Mais elle n’en pense pas moins. Pour le meilleur et pour le pire ? Quand ils s’étaient mariés, ça l’avait fait sourire. Petit à petit, sans même s’en rendre compte, elle continue de s’épuiser. Depuis longtemps, le meilleur avait filé. Le pire, on y était…

Février. Retour à l’hôpital. À force, ils connaissent la route par cœur. Pour un peu ils la feraient presque les yeux fermés. Je te préviens, qu’il lui dit, des frissons dans la voix, cette fois j’y reste pas. Pas question de dormir là-bas ! Mais le pronostic n’est pas brillant. Il n’a pas le choix. Bravement, elle se débrouille pour venir tous les jours. En souvenir de ce meilleur, qui a filé si vite, elle le soutient dans le pire d’aujourd’hui. Elle ne peut presque plus marcher, mais elle y va quand même. S’installe à ses côtés, dans un fauteuil inconfortable, le dos collé contre un oreiller. Elle l’encourage, elle le rassure, caresse sa main. Juste être là. Elle serre les dents. Ordonne à sa douleur de l’oublier. Recroquevillé sur sa propre souffrance, lui ne dit toujours rien, même s’il voit bien tous les efforts qu’elle fait pour lui. Ils restent là, l’un avec l’autre. Il faudrait aller voir le jardin, la pluie cet hiver a dû faire des dégâts. Le médecin est passé. Il devait lui parler. Votre cœur est usé. Je suis désolé. Le peu d’espoir qui lui restait vient de s’effondrer. Le barrage a cédé, emportant ses dernières forces dans un tourbillon de regrets. Maintenant il sait. Il a compris. Son courage défaille. Cette fois il abandonne. Lâche la rampe du grand huit de la vie. Et doucement, sans faire de bruit, se laisse glisser sur le toboggan des étoiles…

Mars. Le printemps ne devrait plus tarder. L’hiver qui s’en va emporte avec lui la moitié de sa vie à elle. Il sonne le glas d’une longue vie à deux. Alors c’est ça, la fin de l’histoire, c’est comme ça que ça se termine ? Déjà ? Si vite ? Non, ce n’est pas possible. Elle n’y croit pas. Elle refuse d’y croire. Oui, oui, bien sûr, notre chemin n’a pas toujours été un long fleuve tranquille. Mais on l’a parcouru ensemble, et depuis si longtemps… Et maintenant je dois continuer la route toute seule, avec le dos en vrac ? Non, non. Pas d’accord. C’est trop difficile. Je n’y arriverai pas… Elle est dévastée, mais elle ne pleure pas. Elle voudrait bien pourtant. Mais rien ne coule. Ses larmes sont sèches. Son dos la fait souffrir. C’est de pire en pire. Chaque pas lui demande réflexion et concentration. Chaque geste inutile est aussitôt regretté. À peine si elle peut encore bouger, même en s’aidant de sa canne. Et on voudrait qu’elle marche toute seule ? Impossible, son corps refuse. Mais elle ne s’écoute toujours pas. Coûte que coûte, elle tient bon. Obstinément, elle continue…

Et voilà les souvenirs, qui déboulent sans y être invités. À deux mois près, ils avaient le même âge. Ils avaient fêté leurs quatre-vingts printemps l’été dernier. Ils ne fêteraient pas leurs soixante ans de mariage l’été prochain… Bon allez, ce n’est pas le moment de pleurnicher. Il y a encore beaucoup à faire. Elle est perdue, ne sait pas par où commencer. Ils en avaient pourtant parlé si souvent ensemble. Ils savaient bien que ça arriverait, un jour. Mais jamais, pas une seule seconde, elle n’aurait pu imaginer qu’elle devrait s’en occuper toute seule. Elle a mal. Au dos. Au cœur aussi. Ses douleurs s’additionnent et prennent à peu près toute la place encore disponible dans sa tête. Elle doit vraiment faire un effort surhumain pour se concentrer. Alors, voyons… Ah oui : les faire-parts. Il faut s’occuper des faire-parts. Du costume. Du cercueil. Appeler les pompes funèbres. Ah ! Et puis le déroulement de la cérémonie… La tâche est insurmontable. Sa tête va exploser. Son cerveau se met en mode on-off. Penser à l’essentiel. Juste le strict nécessaire. Pas de tralala, il n’aurait pas aimé ça. De toute façon je ne pourrai pas parler, annonce-t-elle. Tout ce que je pense, il le sait déjà. Pour le reste… Dans un grand geste circulaire, son bras s’envole vers le plafond et envoie valser tout ce qui n’est pas indispensable. Aussitôt, le double effet Kiss-Cool de ce geste imprévu prend les commandes et lui arrache un cri. Aïe !!! Se calmer, reprendre son souffle. Décidément elle n’en peut plus. Elle pense à la chanson d’Adamo, « Vous permettez, Monsieur ? ». Elle aimerait bien qu’on la passe à la fin de la cérémonie, pour accompagner son mari vers les étoiles. Pourquoi celle-là ? Parce que certains souvenirs sont gravés dans le marbre, et que celui-y était gravé très profondément. Parce que depuis qu’il avait osé demander solennellement, à son père à elle, la permission de l’emmener à la fête du village – il y a si longtemps, elle n’ose même plus compter les années – c’était devenue leur chanson. Parce que chaque fois qu’ils l’entendaient, elle lui disait en souriant : « Tu te souviens ? ». Et lui, il répondait oui-oui de la tête. Voilà pourquoi, cette chanson-là…

La cérémonie. Le restaurant, avec la famille et les proches. Les embrassades. Bon courage. À bientôt ! On s’appelle, hein… Le retour à la maison. La porte qui se referme. Le vide de l’absence. Le chat l’accueille, mais lui aussi est triste. Il a compris que son maître ne reviendra plus. Les jours passent. Le temps se dilate. On dirait qu’il fait un anévrisme. Les aiguilles de l’horloge doivent manquer d’huile, elles n’avancent plus aussi vite qu’avant. Il faudrait penser à changer la pile. Les jours durent trente-six heures, les semaines plus de dix jours. Et par dessus le marché cette douleur infernale, qui ne la quitte pas d’une semelle. Elle en a plein le dos, c’est le cas de le dire ! Ça l’épuise. Elle désespère. Finit par rappeler le médecin. La radio détecte une hernie discale. Morphine. Scanner. Infiltration. Rien à faire, cette saleté s’accroche. Lentement, les jours rallongent. Le jardin lui manque. Elle se désole. Elle voudrait aller prendre l'air. Mais toute seule, et dans cet état… même pas en rêve. Par chance cette année, le beau temps se fait attendre. Alors elle attend aussi. Que la douleur la quitte. Que le soleil revienne. Que son chagrin aille se faire cuire un œuf, ça lui ferait des vacances – en tout cas qu’il l’oublie un peu…

Avril. Un mois qu’il est parti. Un mois qu’elle tient le coup, qu’elle se débrouille comme elle peut. Elle voulait que le chagrin l’oublie mais depuis la cérémonie, c’est elle qui oublie certaines choses. De manger par exemple. Ou de boire. Ou de se mettre au lit, le soir. Elle dort le jour, se réveille en pleine nuit, encore tout habillée dans son canapé, bien étonnée de se trouver là. Sans doute la morphine, qui la déboussole un peu. Depuis qu’il est parti, le Nord n’est plus tout à fait au bon endroit. Elle oublie d’aller voir s’il y a du courrier. Ce n’était pas mon travail, dit-elle. Elle n’oublie pas encore de nourrir le chat. Mais c’est uniquement parce qu’il crie famine, sinon c’est sûr, elle l’oublierait aussi. Le pauvre est complètement perdu depuis qu’il ne peut plus lire le journal du matin avec son maître. C’est que c’est tenace, les habitudes, même pour un chat. Elle ne veut embêter personne. En tout cas le moins possible. Mais aujourd’hui c’est trop dur, elle sent qu’elle est au bout du rouleau. Se lever du fauteuil pour se rendre aux toilettes relève de l’héroïsme. Se baisser pour verser les croquettes dans le bol du chat est devenu mission impossible. Elle n’en peut vraiment plus. Alors, ce dimanche-là, elle attrape son portable et lance un SOS à son amie qui habite à deux pas : « Bonjour. Si ce soir tu avais un instant pour le chat car je ne m’en sors pas merci. » Son amie arrive, la reconnaît à peine. Tu as mangé aujourd’hui ? Elle hésite. Réfléchit. Je ne sais pas trop. Un biscuit peut-être… Tu as bu quelque chose ? Je ne sais plus. Dans le frigo, son amie déniche une bouteille de limonade au citron, sa préférée. Elle boit du bout des lèvres. Elle transpire. Son teint est pâle, sa voix à peine audible, son discours décousu. Elle ne peut plus rester toute seule, elle a besoin d’aide. Son amie appelle les urgences. En attendant l’ambulance, elle lui prépare quelques affaires dans un sac. Ne t’en fais pas pour le chat, je m’en occupe. Bisous. Pense à toi. Oui, je viens te voir demain, c’est promis. Il était temps…

Six jours d’observation aux urgences. C’est pas la grande forme. Prise de sang. Radio. Scanner. Encéphalogramme. Tout est normal. Ce n’est pas normal. Les médecins se grattent la tête. Ils sont perplexes. On recommence. Prise de sang. Scanner… Rien. Pas le moindre petit AVC qui traîne. Deux petits malaises inexpliqués et une tension au ras des pâquerettes, alors que d’ordinaire elle préfère l’altitude. Mais sinon rien. Nix. Nada. RAS. À bout d’examens et d’arguments percutants, le corps médical, à l’unanimité avec lui-même, finit par conclure à un épuisement généralisé. On la transfère en gériatrie. Une autre semaine se passe. Son état s’améliore, doucement. On lui propose un petit séjour en convalescence avant de rentrer à la maison. Elle est d’accord. Mais pas de bol. Au moment de partir, son test Covid revient positif. Pardon ? Comment ça, positif ? Contaminée à l’hôpital ?! Oui, oui, à l’hôpital. Eh ben, manquait plus que ça. Le transfert est annulé. Le confinement est décrété. Dix jours. C’est le pompon. La cerise sur le cake. La goutte d’eau qui met le feu aux poudres de sa patience. Le test est peut-être positif, mais elle n’a aucun symptôme. Alors elle se rebelle : hors de question de rester dix jours de plus dans cette chambre lugubre, porte fermée, et sans visites en plus ! Maintenant qu’elle va mieux, elle ne va pas rester ici pour replonger la tête la première dans une dépression covidée ! C'est décidé : elle veut sortir ! Alors elle signe une décharge et rentre enfin à la maison. Le chat lui fait la fête, il n’osait plus y croire ! Son dos demeure fragile, mais la douleur est restée à l’hôpital et la torture est partie se faire voir ailleurs. Tant mieux, bon débarras. Le joli mois de mai est arrivé, ensoleillé mais pas trop chaud, juste ce qu’il faut. Ça tombe bien. La chaleur, elle n’aime pas ça…

Et puis, petit à petit, l’oiseau refait son nid. Tout doucement, elle reprend goût à la vie. Bien sûr, certains jours sont encore amers. Le goût amer d’un bol de thé vert. Sans sucre. Mais le jour de ce matin aurait plutôt un goût de miel. Alors elle en profite pour envoyer un message à son amie : « Bonjour, tu vas dire que j’exagère mais comme il va faire beau cette semaine aurais tu envie et le temps de me conduire jusqu’au jardin ? Sinon moi ça va. À bientôt bisous ».

Le lendemain après-midi, elles se mettent en route. La voiture à peine garée, elle ouvre grand sa portière et en oublierait presque sa canne. De là où elles sont, elles aperçoivent de drôles d’oiseaux. Tête en bas et fesses en l’air, cinq, six jardiniers sont là, qui à bêcher, qui à planter. Rien qu’à regarder leurs parcelles, on pourrait presque deviner le tempérament de chacun. Il y a l’organisé. Le brouillon. Le scientifique. Et puis celui qui compte sur la chance… À peine les deux amies se sont-elles engagées dans la petite allée que l’un d’entre eux relève la tête. Hé, vous autres, regardez un peu ! Mais qui voilà ? Aaah ! Ça fait plaisir de vous revoir parmi nous, ça faisait longtemps ! Comment ça va ? Les autres se redressent, ajustent chapeaux et casquettes, plissent les yeux à cause du soleil, la reconnaissent enfin, lui font des grands signes de la main. L’accueil est chaleureux. Ainsi c’est donc ça, leur fameux « jardin », pense son amie… Pas juste un petit un bout de terre à arroser, pour faire pousser des fleurs. C’est autre chose : une ambiance, de la bonne humeur, et l’amitié qui va avec. Ici, c’est la vraie vie. Elles avancent le long du grillage. Chacun prend un moment pour venir la saluer. Les retrouvailles sont joviales, on échange les nouvelles. Personne n’évoque l’absent, pourtant on devine dans les regards que toutes les pensées vont vers lui, comme les rubans colorés d’un Arbre de Mai qui iraient se rejoindre tout en haut d’un grand mat…

Dans ses yeux à elle, la joie d’être là est aussi palpable que la chaleur des rayons du soleil. Heureuse dans ce décor qu’ils aimaient tant ensemble, elle emmène son amie pour lui montrer fièrement son petit coin de paradis. Elle ouvre la porte du cabanon. Écarte une toile d’araignée. Remplit l’arrosoir au tonneau d’eau de pluie. Explique que les amis se sont chargé de sa parcelle en attendant qu’elle revienne. D’ailleurs ils sont déjà retournés à leur bout de terre, tête en bas et fesses en l’air. Un petit coup d’œil tout autour, pour voir ce qu’il y aura à faire, quand elle en sera capable. Voilà, murmure-t-elle comme pour elle-même, ça suffira pour aujourd’hui. Elle range l’arrosoir. Referme le cabanon. Attache le verrou qui a rouillé. Il faudra que j’apporte de l’huile, la prochaine fois. Doucement, presque avec tendresse, sa main effleure le bois de la porte que l’hiver a fait souffrir. Il faudra aussi acheter de la peinture. Prudemment elle lève un bras, poursuit sa petite idée. Ça va, ce n’est pas trop haut, je pense que je pourrai y arriver. En appui sur sa canne qu’elle a encore failli oublier, elle admire un instant les œillets d’Inde, que les amis du jardin ont planté pour elle. Il serait bien content de voir ça, pense-elle tout haut. Perdue dans ses souvenirs, elle ne remarque pas le joli papillon blanc qui s’évertue à faire des cabrioles autour de sa tête pendant qu’elle parle de lui. Mais ça ne peut pas être un hasard. 😉💖

 

Le fil n’est pas coupé. Pourquoi serais-je hors de vos pensées, simplement parce que je suis hors de votre vue ? Je ne suis pas loin, juste de l’autre côté du chemin.

Henri Scott-Holland

 

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