Confinement.36





Mardi 21 avril.
Confinement, jour 36.

« On ne dit jamais assez aux gens qu'on aime,
Par peur de les gêner, qu'on les aime.
On ne leur dit jamais assez que sans eux, sans elles,
On ne serait même pas la moitié de nous-mêmes. »
(Louis Chedid)


Comme chaque jour, la radio fredonne de jolies chansons et comme chaque jour, la dame confinée dedans annonce joyeusement : « Bonjour chers auditeurs ! Je suis vraiment ravie de vous retrouver ce matin, pour ce trente-sixième jour de confinement. Réveillez-vous tranquillement, tout va bien. Evidemment la circulation est fluide, aucun accident n'est à déplorer dans l’agglomération, et comme depuis le début de cette période un peu étrange, il fait un temps splendide sur notre belle région. C'est déjà ça ! Alors profitez de vos jardins, ou de vos terrasses, bon petit déjeuner, prenez votre temps (de toute façon vous n’avez rien de mieux à faire) et bien sûr : res-tez-chez-vous ! » J'ai de plus en plus l'impression d'être la version féminine de Bill Murray dans Un jour sans fin. En tout cas je ne sais pas ce qu’elle prend pour se remonter le moral la dame, mais j’en veux.

Tandis que la radio continue à chantonner ses chansons, moi j’émerge tout doucement. L'odeur du café et des tartines grillées se répend dans l'appartement et la poilue ne tarde pas à venir me faire son miaou-show. « Tiens bonjour le chat, ça va t’as bien dormi ? Oui, oui, je sais, t'as faim. Une minute. Pousse-toi de là. Décidément tu ne penses qu’à bouffer toi… » Je sais, je parle encore toute seule. Comme si elle allait me répondre. Au fait j'ai arrêté de lui parler en miaou. Mon accent de vache espagnole ne convient pas à madame, elle fait semblant de ne pas me comprendre. Inutile que je me fatigue.

Trente six jours… Trente-six semaines… Trente-six mois… Je ne sais pas, je ne sais plus, je suis perdue, je fais comme l’oiseau, hissez haut ! Santiano… Autant dire l’infini. Je me recroqueville. Je me ratatine. Je me désocialise. Je me désolidarise. Je m’éparpille dans le cosmos façon puzzle… Où sont les femmes, avec leurs gestes pleins de cha-a-arme ? Ah, si j’étais un homme… En vérité, je vous le dis : ce confinement dure depuis au moins trente six mille ans. Heureusement que Diego est libre dans sa tête, sinon il y aurait de quoi devenir zinzin. Assez ! je crois que je deviens vraiment cinglée ! je vais bientôt perdre la boule... 

A force de méditation contemplative, la couleur de mes murs déteint sur mon esprit. Amen. Je me retire du monde. Je deviens ermite. Je me carmélise. Non pas comme la pomme, banane : comme Marie-Madeleine-de-la-Sainte-Trinité, la carmélite du couvent tu sais, celle qui a fait vœu de réclusion et qui vit dans le silence à perpette. Je ne prie pas encore mais méfiez-vous, ça pourrait bien venir sans le faire exprès. Et si ça continue comme ça il va falloir que ça cesse, sinon à la sortie je suis bonne pour rentrer dans les ordres. Ou bien à l’hôpital psychiatrique. On ne sait pas encore. En tout cas ma petite voix rigole déjà…

Comme je n’avais pas grand-chose d’autre à faire ce matin, j’ai prolongé mon petit déj’ en révisant ma table de 6. Une fois six : six… Deux fois six : douze… 36 = 3x12, ou 6x6, ou 2x18… mais comme je n’aime pas trop les maths ce jeu idiot m’a vite lassée. Du coup j’ai cherché des trucs avec trente-six. C’est plus dans mes cordes.

Faire trente-six choses à la fois. Il paraît que nous les femmes, on sait le faire. Très bien. Je suis donc la seule exception au monde qui confirme la règle. Parce que déjà, quand j’en fais deux en même temps je m’embrouille, alors trente-six je vous dis pas : c’est la rupture d’anévrisme assurée.

Tous les trente-six du mois. Grosso merdo, c’est ma moyenne annuelle pour procéder au nettoyage des carreaux de mon château. D’ailleurs ce n’est toujours pas fait, et vu l’heure qu’il est déjà je ne pense pas que ça sera encore pour aujourd’hui.

Voir trente-six chandelles. Voilà ce qui arrive quand tu te balades pieds nus chez toi dans le noir sans regarder où tu poses tes palmes. Moi je vous le dis, méfions-nous de notre petit orteil droit : c’est un sale traître, qui vous force à vous mordre le poing en pleine nuit pour ne pas réveiller tous vos voisins et à effectuer simultanément une vigoureuse danse du scalp sur l’autre pied encore valide.

Allez, courage à tous... 😉
Prenez soin de vous, et si vous le pouvez : RESTEZ CHEZ VOUS ! 💕
Je vous embrasse et je vous aime. 😘 (Louis a raison) (voir là-haut).
Emcy

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