Confinement.23





Mercredi 8 avril.
Confinement, jour 23. Poil au Corona, haha ! 😈😈😈


Alors voilà ! Ca y est ! Youpiii ! Non hélas, désolée de vous décevoir, ce n’est pas encore la fin du confinement. Ca se saurait. Pardon pour la fausse joie. Mais aujourd’hui, après 22 longues et interminables journées de stricte obéissance, loyale et sans faille, je suis enfin sortie de chez moi et j’ai repris UNE VIE NORMAAAAALE !

Oui, enfin normale… ça reste encore à prouver.

La préparation de cette première sortie depuis lulure fut digne d’une Mission en Antarctique de Jacques-Yves Cousteau (1974, Partie II, Le vol du Pingouin - ma sœur comprendra). Quelle aventure ! J’avais l’impression de préparer ma valise pour un « Rendez-vous en Terre Inconnue » et je m’attendais à ce que Frédéric Lopez sonne à ma porte d’une seconde à l’autre pour m’emmener à l’aéroport. Entre mon attestation à remplir, mon masque fabrication maison et mes gants de Schtroumpfette réutilisables à préparer, sans oublier ma liste de courses longue comme un jour sans pain (et justement, du pain, je n’en avais plus une miette), mon téléphone rose pour appeler au secours au cas où et ma carte bleue magique : j’étais fin prête à affronter l’hostilité extérieure. Même pas peur.

Les retrouvailles tant attendues entre ma Titine adorée de mes doigts de pieds et moi furent mémorables. Oh, ma Titine ! Quelle bonheur de retrouver ta douce odeur fétide de trois semaines de confinement en plein soleil. Mais tu sens si bon la liberté… Certes, j’avais bien jeté un coup d’oeil de temps en temps par la fenêtre de la cuisine pour voir si elle était toujours sagement garée sur la place n° 95 qui lui était attribuée, mais on ne s’était pas vues de près depuis tellement longtemps que je craignais quelques caprices au démarrage. Mais que nenni. Toute aussi joyeuse que moi, elle n’a même pas toussé dans son coude et a accepté de ronronner dès le premier tour de clé, ouf ! Et nous voilà donc parties, on the road again, Titine et moi, comme si rien ne nous avait jamais séparé. Seulement plus on s’approchait de mon supermarché préféré (pile à 1 kilomètre de chez moi, ça tombe bien), plus je sentais l’angoisse s'installer. La gorge nouée, une certaine difficulté à respirer, un peu mal au ventre, un peu trop chaud… Et voilà, c'est malin. A peine le nez dehors et j’avais déjà au moins trois ou quatre symptômes majeurs. Cette première sortie s'annonçait mal. Il fallait que je reste sur mes gardes.

Le parking du magasin était pratiquement désert. Je trouvai donc sans trop chercher une place juste devant l’entrée, ce qui en temps de paix tient plutôt du miracle. Il me fallut encore un instant interminable pour rassembler les quelques neurones qui restaient à ma dispositon. Il est vrai que ces 22 jours en tête à tête avec ma petite voix n’avaient pas vraiment contribué à l'amélioration de mon état psychique, déjà bien atteint depuis bien avant le Corona. Et la voilà justement qui repointait le bout de son nez celle-là, alors que personne ne l’avait sonnée.
« Bon, alors… mets d’abord tes gants, mais avec les gants ça va pas, je ne vais pas réussir à mettre mon masque, ok donc d’abord le masque, voilà, mets les élastiques derrière tes oreilles, coince-les avec tes lunettes, j’y arrive pas, pourtant tout à l’heure à la maison c’était facile, ça doit être à cause du stress, vas-y respire, j’étouffe, calme toi, allez maintenant les gants, bon, elle est où cette pièce à caddie, merde ça glisse, j’arrive pas à l’attraper, j’ai chaud, ouvre la porte t’auras de l’air, j'ai dit la porte, referme la fenêtre, vas-y sors, respire à fond, j’y vois rien avec ce truc, ça fait de la buée, inspire par le nez, souffle par la bouche, remets ton masque sur ton nez, t'es vraiment une patate... »

En entrant dans le magasin j’étais déjà au bout de ma vie.

Rayon après rayon, suivant ma liste scrupuleusement, je remplissais mon caddie en essayant d'avoir l'air à peu près normale. Mais ma petite voix continuait à me chercher. Inspire par le nez. Expire par la bouche. J’étouffe. J’étouffe et je bave. La honte. Mon masque est trempé. J’ai de la buée plein mes carreaux. Et j’ai les oreilles molles. Oui parfaitement : molles. Les élastiques se barrent, j’ai les oreilles qui se plient. J’en peux plus. Je transpire. J’ai chaud. Je suis toute rouge. On va penser que je suis malade. D’ailleurs on me regarde bizarrement. Pfff… Au point où j’en suis… De toute façon j’ai perdu ma dignité. Définitivement. Maman, viens me chercher. Il faut que ça s’arrête. Je vais mourir ici. Encore une minute et je défaille. Je vais tomber raide, étouffée par mon joli bandana rose accroché derrière mes oreilles molles avec des élastiques à queue de cheval. Tu parles d’un tuto, merci bien. Quel tuto à la con. Attend que je le retrouve. Voilà, je crois que j’ai tout. Il faut encore passer à la caisse. Plonger dans le caddie. Déposer mes achats sur le tapis. Inspirer par le nez. Les récupérer de l’autre côté. Expirer par la bouche. Je ne comprends pas. Pourquoi est-ce qu'il y en a plus après, qu’avant ? Je parie que c’est le caissier. Il a la rage d’être là, alors il rajoute des trucs pour embêter le monde. Payer. Où est-ce que j’ai foutu cette carte bleue ? Ah, la voilà. Mes gants m'arrivent au milieu des mains. Plus trempés à l'intérieur que coronavirussés à l'extérieur, ça c'est pas peut-être. Mon code. C'est quoi déjà, ce putain de code ? J'ai chaud. Mon manteau est un sauna. Je suis ridicule...

Hein, combien ??? T’as vu c’est lui, j’en étais sûre…
Merci monsieur. Merci quand-même. Merci d’être là pour nous. Merci d’être là pour moi. Bon courage. Vous êtes un héros. Je vous aime. Si si. Je penserai à vous, ce soir à 20 heures. Clap clap clap, vous savez ? Oui merci, bonne après-midi à vous aussi. Au revoir. A bientôt. Enfin j’espère…

Bref, j'ai fait des courses...

Pas moins de 3 voyages entre ma Titine et mon 7ème étage plus tard, tout est déballé, nettoyé, rangé, dans le frigo, dans le congélo, dans les armoires, dans les tiroirs. Je suis tranquille pour au moins 3 mois et demi, Coronatruc n'a qu'à bien se tenir. Et comme le disait si bien Marie-Pierre Casey : c’est tant mieux, parce que je ferais pas ça tous les jours !

Allez, courage à tous... 😉
Prenez soin de vous, et si vous le pouvez : RESTEZ CHEZ VOUS ! 💕
Je vous embrasse et je vous aime. 😘
Emcy

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