Emcy Et La Potion Magique



Aujourd'hui c'est mercredi, et vous commencez à me connaître suffisamment bien pour savoir que pour moi, le mercredi est synonyme de journée chargée. Enfin, était... Parce que pour vous dire la vérité, depuis la rentrée, j'ai l'impression qu'on est aussi mercredi tous les autres jours de la semaine. Et même parfois qu'il y a deux mercredis dans la même journée ! Je ne compte pourtant pas mes heures, et je n'ai vraiment pas l'impression de traînailler, mais j'ai constamment la sensation d'avoir la tête sous l'eau... Mon niveau d'énergie est inversement proportionnel au nombre de choses que j'ai à faire, et qui ne cessent de s'accumuler. Les longues balades de cet été sur les magnifiques plages de la Côte d'Opale ne sont plus qu'un lointain souvenir, le peu d'énergie qui me reste s'éparpille et se disperse en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, et en cette fin octobre je me sens déjà bien fatiguée. Bon sang, mais ce magnifique été indien qui n'en finit pas de jouer les prolongations devrait pourtant me donner une super-pèche et le sourire Ultra Brite non, qu'est-ce qui m'arrive ? J'ai du mal à me lever le matin, je me sens constamment débordée, j'ai du mal à me concentrer, la moindre tâche me demande un effort, et pour un rien j'ai les yeux qui brillent et je vois flou... Ca ne me ressemble pas, je ne me reconnais plus.
Mademoiselle Câlinette est une petite fille très intuitive. Et quand j'ai le sourire en coin comme ce matin, elle sait tout de suite qu'il y a quelque chose cloche. Comme toujours, elle m'accueille les bras grands ouverts et me saute joyeusement au cou pour un gros bisou suivi d'un tendre câlin. J'avoue que ce matin, je reçois l'un et l'autre avec autant de bonheur, mais un peu plus d'émotion que d'habitude. Le sourire que je m'efforce de lui offrir en retour prend légèrement l'eau et elle s'en aperçoit tout de suite : 
"Emcy ça va pas ? Binkesta ? Tu pleures ?
Je plonge aussitôt la tête vers mon grand sac à malices pour y pêcher un kleenex et je fanfaronne avec un rire forcé, le regard farouchement baissé vers le sac :
- Haha ! Mais non je pleure pas, en voilà une idée ! Pourquoi tu veux que je pleure ? Mais t'as sauté tellement fort dans mes bras que j'ai reçu tes cheveux dans l'oeil, et voilà, maintenant j'ai l'oeil qui pleure !
J'enlève furtivement mes lunettes pour éponger le trop-plein qui déborde et je les replace aussitôt sur mon nez. Evitant toujours son regard, je m'engueule intérieurement : non mais ça va pas la tête ou quoi ?! Cette pauvre gosse t'a grillée, et en plus elle s'inquiète pour toi. Et toi, tu ne trouves pas mieux que de la rendre responsable de tes états d'âme ! Franchement tu déconnes là, c'est n'importe quoi !
Mademoiselle Câlinette n'en démord pas. Tandis que je dis bonjour aux autres enfants, elle reste là près de moi et m'observe attentivement à travers ses jolies lunettes à elle, qui mettent si bien en valeur ses beaux yeux clairs, et que pour une fois elle n'a pas oubliées au fond de son cartable, à l'école ou dans un coin de sa chambre.
- Et v'là-t-y pas que je m'enrhume, en plus ! je lui dis, pour me donner une raison valable de me moucher bruyamment, avant de ranger mon mouchoir dans mon sac et de me diriger vers mon bureau, qui se trouve à l'autre bout du couloir.
Silencieusement elle me suit, passe son bras sous le mien et m'accompagne jusque là, sans rien dire d'autre. Mais je sens bien qu'elle m'observe toujours du coin de l'oeil. Je trouve mon trousseau de clés dans le fond de mon sac et nous entrons dans la pièce. J'essaie de faire diversion :
- Comment ça se fait que tu sois là ce matin ma poulette ? Tu n'as pas cours aujourd'hui ? 
- Ben non : aujourd'hui c'est mercredi.
- Ah... Ben oui, c'est vrai. On est mercredi..., je lui réponds distraitement.
Je jette un coup d'oeil fatigué à la grosse pile de dossiers qui m'attendent, et dont je n'arrive pas à venir à bout depuis plusieurs semaines, parce que dès que j'en traite un trois autres m'arrivent par dessus. Plongée dans mes pensées, je me dis que c'était bien la peine de faire trois ans d'études d'infirmière pour finir par faire un boulot de secrétaire médicale, et je souffle. Mais le "pffff..." qui m'échappe involontairement n'échappe pas du tout à la petite fille (presque aussi grande que moi !) qui se plante devant moi et me regarde droit dans les yeux, sourcils froncés et poings sur les hanches :
- Bon Emcy : alors déjà, mes cheveux dans ton oeil, mon oeil ! Ca se voit que ça va pas, t'es pas comme d'habitude. Tu dois te reposer tu sais, t'as trop de travail ! Et puis tu dois demander au docteur qui s'occupe de nous de te donner de la Potion Magique ! Comme ça, abracadabra ! Tu vas redevenir... comme avant !"

Il suffit parfois de quelques mots d'une enfant de 11 ans pour vous redonner le sourire... et un peu de courage pour la longue journée qui vous attend. 😊












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