C'est Beau l'Amour...
En arrivant au foyer ce matin-là, je trouve la petite Marie encore en pyjama, assise par terre, recroquevillée sur elle-même, le menton appuyé sur ses genoux et les bras serrés autour de ses petits mollets. Elle qui habituellement se précipite vers moi et me saute au cou pour me faire un gros câlin à la moindre occasion, elle reste là, prostrée, le regard perdu dans le vide, sans bouger, avec sa tête des mauvais jours.
Je m'approche pour la saluer et je la taquine un peu : "Bonjour Marie, ça va ? Ben alors, t'en fais une tête, qu'est-ce qui t'arrive ? T'es fâchée ? T'as mal dormi ?" Pas de réponse. Je pose mon sac par terre et je me mets accroupie pour être à sa hauteur. En tentant de lui faire un bisou je perds un peu l'équilibre (ce qui ne lui échappe pas), alors pour garder un minimum de dignité je décide de m'installer dans la même position qu'elle, ce qui me vaut un presque-demi-sourire (bien vite réprimé d'ailleurs). Bon. La situation semble grave mais pas encore tout à fait désespérée.
Un ange passe durant quelques secondes, et je reprends mon monologue : "Alors ma poulette, qu'est-ce qui se passe ? Tu me racontes ?" Pas de réponse. Je tente une diversion : "Pourtant tu devrais être joyeuse, regarde : c'est les vacances... tu peux faire la grasse matinée... et en plus il fait super beau dehors, tu vas pouvoir aller jouer avec les cop...". Brusquement, le regard toujours fixement droit devant elle, elle m'envoie une rafale verbale : "Ouais... Ben justement !!!"
Houlà... j'ai dû dire un truc qu'il ne fallait pas, mais quoi ? Je reprends doucement : "Justement ? Mais justement quoi Marie ? Explique-moi..."
Et soudain ses beaux yeux clairs se troublent, deux grosses larmes roulent sur ses joues et sa voix de crécelle s'envole : "Ben ! Justement ! C'est les vacances ! Et ça m'soûle ! Parce que (snif) ça veut dire que je peux plus voir mon amoureux ! Pendant loooooongtemps ! Voilà pourquoi !"
"Ah oui, là c'est grave. Je comprends. Mais c'est qui ton amoureux, c'est un garçon de l'école ?"
"Ben ouais, qu'est-ce tu crois ?!"
"Houlà, mais je ne crois rien du tout, moi... sauf qu'il n'y a pas d'âge pour avoir un amoureux : ça je le crois, ma chérie. Mais je le savais pas moi, que tu avais un amoureux, tu me l'avais jamais dit ! Il s'appelle comment ?"
"Maxime. Il s'appelle Ma-xime. Et il est beau. Et c'est le plus beau de tous les garçons de l'école."
"Ah, d'accord... Eh ben dis-donc, tu as l'air de l'aimer beaucoup ce Maxime, on dirait ?"
"Oui. Mais je l'aime pas beaucoup, je l'aime tout court. C'est mon amoureux, voilà ! C'est pas compliqué quand-même ?!"
"Ok ok... Et euh... lui aussi il t'aime aussi fort que ça ? Il est amoureux de toi, pareil ?"
La petite me regarde, cette fois droit dans les yeux et me répond sèchement : "Je sais pas."
"Ah bon !? Mais comment ça, tu sais pas ?! C'est ton amoureux oui ou non ?"
"Oui. C'est mon amoureux. Mais il le sait pas encore."
"Toutes les grandes personnes ont d'abord été des enfants,
mais peu d'entre elles s'en souviennent."
mais peu d'entre elles s'en souviennent."
Le Petit Prince, Antoine de Saint Exupéry
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