Un peu de Poésie dans ce Monde de Brutes






Rendez-vous hier après-midi chez l'ophtalmologue pour Karim, 14 ans. Il est arrivé il y a à peine 3 semaines et on ne se connaît pas encore très bien.

Comme je le fais à chaque fois que j'accompagne un gamin chez un spécialiste - et parce que je sais que l'inquiétude n'est jamais bien loin, malgré leurs airs de petites terreurs des bacs à sable - je profite du trajet en voiture pour lui expliquer rapidement comment va se passer la consultation. Je n'oublie pas de lui dire que l'ophtalmo lui mettra sans doute des gouttes qui piquent un peu dans les yeux, et je précise que nous allons probablement devoir passer un certain temps (voire un temps certain) dans la salle d'attente, et que donc je compte sur lui pour rester calme.

Après la première partie de la consultation, l'ophtalmo lui met effectivement une goutte dans chaque oeil pour préparer la suite de l'examen. Puis elle me confie son flacon pour que j'en fasse autant dans la salle d'attente dans 5 et 10 minutes. J'ai l'habitude, je fais ça presque toutes les semaines depuis des années.

Nous retournons donc dans la salle d'attente, où je remets comme prévu les gouttes dans les yeux de Karim. Deux fois. Pas facile cette affaire. Collaboration du patient voisine de zéro. Mais la salle d'attente est bondée, je ne lui laisse pas vraiment le choix devant tout ce monde, et grâce à Dieu ma petite terreur m'obéit et se tient à peu près tranquille.

Le temps que le produit fasse son effet (une bonne grosse demi-heure), et l'ophtalmo nous rappelle enfin dans le cabinet médical. Comme souvent, je bénis mentalement l'inventeur du smartphone (ça occupe à merveille les terreurs dans les salles d'attente, ces machins-là) et le gamin se réinstalle. L'ophtalmo vérifie que les pupilles sont bien dilatées et me demande machinalement, tout en poursuivant son examen :

"Ça a été pour les gouttes, Emcy ?"

Et voilà ma petite terreur - qui ma foi s'était contenue tant bien que mal jusque-là - qui explose sur son fauteuil et qui lui répond sans crier gare :  
"Mais nan ça va pas ! Ça m'pète les yeux vos gouttes, là !!!"

L'ophtalmo sursaute. Moi je m'étrangle :

"M'enfin, dis-donc Karim ! Ton langage ! Quand-même ?!!"

Et là il me regarde excédé et me répond :

"Nan mais c'est vrai quoi ! Sa race (sic) ! On voit bien qu' c'est pas toi ! Em' font pleurer des yeux, ses putain d' gouttes !!!" 
Mon Dieu ! Ce petit chéri est un poète... Et dire que je l'ignorais !

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