Le Test d'Effort






D'abord on t'installe, torse-nue, sur un vélo dont la selle est un poil trop haute.
Sans te prévenir on t'envoie un pschitt glacé dans le dos pour y coller des trucs que tu vois même pas arriver. Arghhh !!! 
Le même pschitt arrive sur ta poitrine (c'est froid aussi, mais maintenant tu le sais) pour y fixer les ventouses de l'électro. 24 heures après t'en auras encore les suçons sur le décolleté.
Et pour finir, tu te retrouves avec une perfusion plantée dans le pli du bras droit et le brassard du tensiomètre archi-serré autour du bras gauche : te voilà équipée comme un chef pour le test d'effort cardiaque !

Bon. Tu tentes fièrement la position du coureur de compet' : bras tendus, les pieds bien calés dans les cale-pieds (ben ouais, c'est fait pour ça) et tes petites mimines bien parallèles sur le guidon, serrées autour des poignées.
Tu saisis vaguement que dois avoir l'air très con et ta dignité en prend un coup, mais tu fais comme si t'avais rien remarqué et tu souris.
Euh... En fait non : tu ne souris pas. Pas la peine, personne ne te regarde.

Ton cardiologue préféré se fait déjà attendre depuis 10 bonnes minutes. Ta position commence à devenir relativement inconfortable et tu maudis ce putain de brassard qui se remet en route toutes les 2 minutes en te broyant le bras pour rien (pour l'instant en tout cas) et qui te coupe la circulation. Ta main gauche est toute froide et tu attrapes des crampes. Le besoin irrépressible de plier tes bras qui s'engourdissent se fait sentir, mais tu sens bien que tu risques de faire foirer la prise de tension à gauche ou de plier le cathé, planté dans ta précieuse petite veine à droite, et que l'autre championne a mis trois plombes à trouver.

Et tout le monde s'en fout : ça passe dans le couloir, ça rentre, ça sort, ça papote, ça rigole... Et la porte reste grande ouverte, mi-fermée, à moitié-ouverte... mais jamais juste FERMÉE. Manifestement ça ne dérange que toi. Malgré tout tu restes stoïque et tu persistes à garder une position neutre et vaguement détachée. Oui, les nénés à l'air. Pas facile, j'avoue. Mais de toute façon t'es coincée : impossible de te protéger le torse, et ta pudeur n'a qu'à aller se faire cuire un oeuf !

Les allées et venues dans la pièce se sont enfin calmées. L'infirmière commence à s'impatienter elle aussi, y'a une justice ! Elle essaie 2 ou 3 numéros de téléphone et réussit enfin à le joindre :

"Oui allôôô ? Docteuuur ? C'est pour vous prévenir que votre patiente est installlllééée ... Hmm-hmm ... Hmm-hmm ... D'aaaccooord !".

Elle raccroche, te toise comme si elle venait de remarquer ta présence, reprend une voix à peu près normale et t'informe froidement : "Il arrive."  

Eh ben ! N'en v'là, une bonne nouvelle !

Maintenant elle attend aussi, bien fait pour elle (petit sourire sadique). Assise sur un tabouret en face de toi, elle semble soudain être entrée en méditation. Faut bien optimiser l'attente... Toi t'en ferais bien autant, mais ta pensée est désespérément obsédée par ta position merdique et inutile. Du haut de ton vélo de compétition et après encore 4 ou 5 longues minutes d'attente, tu décides alors de la réveiller sournoisement, tout en faisant mine de regarder distraitement autour de toi. Tu toussotes histoire de lui éviter la crise cardiaque (haha, humour !) et tu accompagnes ton entrée en matière de ton célèbre sourire de star ("Schtingggg !!!") :

"C'est sympa ici... Ca manque peut-être un peu de déco mais ça va, c'est pas mal... Manque peut-être juste une petite blouse de bloc, hein, voyez ? Pour la personne, qui attend, sur le vélo... vous comprenez c'que j'veux dire hein ? Perso je m'en fous pas mal qu'on voie mes vieux nichons qui tombent sur mon p'tit bidon (tu parles si j'm'en fous mais je lui dirai jamais, ça lui ferait trop plaisir !)... Surtout qu'on sait très bien toutes les deux que c'est seulement à cause de ma position bizarre sur ce vélo, hein ? Hahaha (rire forcé) ! Mais je trouve que ça serait quand-même sympa d'y penser, à l'occasion... pour les gens un peu... pudiques... hein ? Voyez ? Ca s'rait bien, non ?" 

Perplexe, elle sort lentement de sa méditation profonde. Tu te dis que t'as bien fait de toussoter avant. Elle te regarde avec de grands yeux étonnés et te répond :

"Ah ? Euh... ben-oui-mais-on-peut-pas. C'est à cause des électrodes."
"Ah, oui : les électrodes... Oui m'enfin là, voyez : ça fait quand-même un bon quart d'heure que j'attends, à moitié à poil, les nénés à l'air... et les électrodes à l'air aussi d'ailleurs... Et la porte est toujours ouverte depuis tout à l'heuredes fois que vous z'auriez pas r'marqué..." (re-Schtinggggg !!! de star).

Haussement d'épaules de la méditante. Manifestement elle n'a pas compris le message. Elle a dû louper les cours élémentaires de base de 1ère année concernant la pudeur du patient.

Ou alors elle est amnésique. Voire anosognosique. Si,si, ça existe, anosognosique : c'est un truc qu'on a découvert depuis que Chirac a oublié qu'il avait perdu la boule (à ce qu'il paraît...)

Ou alors peut-être qu'elle était en stage de méditation pendant les cours ?

Ou alors elle s'en fout total. C'est pas impossible, ça. Va savoir...

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